« INONU » de URBAIN AUTOPSY
Double album en vinyle | illustrations de Enki Bilal | ref ROTOR0079
Inonu est la dernière collaboration entre les trois membres fondateurs du groupe industriel Urbain Autopsy, parue à l’origine en 1988, dans un boîtier contenant deux K7 C40, un livret ainsi qu’un tract sur le défunt label Tears Compilations.
Inonu est un album-concept divisé en quatre actes, eux-mêmes divisés en scènes. Il s’agit d’un récit où il n’y a pas de temps mort entre chaque scène. Les morceaux s’enchaînent comme dans la vie. Inonu a un début et une fin. On ne peut écouter une partie et ignorer les autres, c’est comme si on ne voulait lire qu’un seul chapitre d’un livre ou ne regarder qu’une seule scène d’une pièce de théâtre. C’est le projet le plus abouti du groupe.
Inonu raconte une tranche d’histoire de la vie d’un pays totalitaire imaginaire, qui pourrait faire penser à un ex-pays de l’Est, qui sait ?. Il est à noter qu’Inonu est paru un an juste avant l’effondrement du bloc communiste… On peut aussi rapprocher l’architecture, l’art constructiviste et la musique industrielle d’Urbain Autopsy et constater l’osmose qui s’en dégage. Certains noms ont été piochés au hasard dans une encyclopédie. Leurs réalités n’ont aucun rapport avec la fiction transmise dans Inonu.
L’histoire qui commence est connue…
ACTE 1 : Elle narre la vie d’un pays dominé par un dictateur, avec le leit- motiv récurent « d’une poigne de fer » et celle d’un peuple opprimé.
ACTE 2 : Deux révolutionnaires forment une coalition afin d’éliminer le dictateur et entreprennent la reconstruction du pays.
ACTE 3 : L’un des deux révolutionnaires ayant plus de velléité du pouvoir unique élimine son ami et reprend de force les rênes du pays.
ACTE 4 : Et c’est encore la phrase du « serpent qui se mord la queue » qui revient, au fil du temps il devient un nouveau dictateur avec les mêmes problématiques du début.
L’imaginaire et le factuel s’entrechoquent dans NOTRE PRESENT. Ce concept musical génère une collaboration futuriste entre les musiciens, l’illustrateur et l’éditeur à travers ce double album.
Quel regard visionnaire le groupe Urbain Autopsy a eu en 1988 en conceptualisant une réalité fiction, un an avant la chute du mur de Berlin en 1989, la dislocation de l’URSS en 1991, les guerres balkaniques des années 1990, celles-ci transformant des états en myriades de micro-états, impliquant bien souvent une montée de l’autoritarisme. Ainsi aujourd’hui en cette année 2022 cette guerre incompréhensible ou programmée (chacun choisira) entre deux pays européens, peut-on y voir une vision ? voir le sous-titre de l’Acte III : « Le fratricide ».
Quel regard visionnaire a eu Enki Bilal au travers de ses bandes dessinées engagées traitant des sociétés futures entre progressisme et autoritarisme, notamment l’effigie de 1994, qui constitue le recto de la pochette de l’album INONU et qui, à l’origine, était destinée à Amnesty International, il faut bien le souligner avec respect.
Quel regard visionnaire et audacieux a eu Rotorelief, en faisant la jonction évidente, entre le concept sonore et scénaristique du groupe avec le réalité / fiction d’Enki Bilal.
Quelques années avant la pandémie et le chaos, deux thèmes se dégagent : visage masqué, parole muselée.
En conclusion, l’histoire se répète-t-elle toujours ?
Inonu se voulait juste le reflet de faits réels passés, présents… et maintenant… à venir ? Chacun jugera.